A l'heure où les attentes des salariés évoluent vers un besoin de sens au travail, les principes d'organisation des Scop et des Scic – partage des résultats, des décisions, du pouvoir – pourraient bien inspirer les entreprises « classiques ».
Cela sonne comme un titre de film, mais c'est bien réel : aux Etats-Unis, « The Great resignation » (la grande démission) bouleverse le marché du travail depuis le début de la pandémie. En 2021, plus de 40 millions d'Américains ont choisi de quitter leur emploi. La raison la plus souvent évoquée ? La prise de conscience d'un manque de sens, voire d’intérêt, à son travail.
Si la France est encore loin d'un tel phénomène massif, une étude récente de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) estime à 80% le nombre de ses membres qui connaissent des difficultés de recrutement. Et selon l'Insee, ce phénomène ne date pas de la crise sanitaire. Dès 2018, 45% des entreprises françaises témoignaient de leurs difficultés à recruter. La pandémie n'a fait qu'accentuer ce phénomène, surtout chez la jeune génération très diplômée qui préfère quitter un emploi qui ne lui apporte pas assez de sens, ou d'impact positif sur la société. Cela questionne sur les pistes à suivre pour améliorer la qualité de vie au travail (QVT)
Pourtant, dans ce contexte, les coopératives sont parmi les entreprises comptant le moins de turn-over parmi leurs salariés. La majorité des salariés travaillant dans une Scop ou une Scic indique même « ne plus aspirer à travailler dans un cadre non coopératif », selon le baromètre Chorum 2017 sur la qualité de vie au travail dans l'économie sociale et solidaire. Ils se disent en moyenne plus heureux au travail que leurs homologues des autres entreprises de l'ESS, selon ce baromètre. Alors, quel est le « secret » des Scop ? Leur modèle serait-il mieux adapté aux nouvelles aspirations des travailleurs ?
Pour le savoir, la Confédération générale des Scop a participé à une étude dans le cadre du fonds d'amélioration pour les conditions de travail. L'objectif : analyser le fonctionnement de ces sociétés et identifier les pratiques managériales qui pourraient permettre d'améliorer la Qualité de vie au travail dans toutes les entreprises. Les auteurs de cette étude ont identifié les principaux points qui différencient les coopératives des autres entreprises :
- La participation des salariés à la gouvernance, qui - bien plus qu'un effet d'annonce - est un outil de développement de l'entreprise à travers le partage des décisions, du pouvoir et des résultats.
- Une plus grande proximité et confiance entre dirigeants et salariés, car ce sont ces derniers qui élisent leurs dirigeants.
- Le temps accordé aux processus de décision, avec des temps réservés à l'échange et à la discussion.
- L'échange avec d'autres sociétés coopératives pour partager les bonnes pratiques.
- La co-construction du projet d'entreprise
- La clarification de l'organisation avec un projet d'entreprise discuté par tous les sociétaires.
- La priorité à l'Humain « dans le processus de recrutement, l'accompagnement des personnes et leur intégration, puis leur cheminement vers le sociétariat ».
« Les Scop déclinent globalement trois principes en P : participer, partager, prendre part », résume cette étude. (…) Travailler dans une Scop ou une Scic n'est pas une garantie de bien-être au travail, mais y participe. Le modèle coopératif basé sur le partage du pouvoir, des décisions, des résultats et du projet d'entreprise est de ce point de vue innovant en termes de management ». Et c'est peut-être de ce côté qu'il faut chercher pour une meilleure qualité de vie au travail.
En effet, rappelle l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) , « les entreprises ont parfois une vision de la QVT encore trop centrée sur la recherche de bien-être individuel : conciergerie, crèche, sport... Le cœur de la QVT, c'est le travail et les façons de l'améliorer. Les démarches QVT en entreprise doivent permettre de faire progresser en même temps la qualité du travail, la performance collective et la façon dont les salariés vivent leur travail ».
Ce sens du collectif est au cœur du fonctionnement des coopératives, à l’instar de la coopérative Up, comme le précisent les statuts de la CGscop : « Elles œuvrent (…) à la recherche d'un exercice collectif du management et à la reconnaissance du droit à l'initiative, à la responsabilité et à la citoyenneté économique. »
Pour les auteurs de l'étude menée auprès des coopératives, le modèle de celles-ci est également innovant d'un point de vue sociétal : « Considérer le profit comme un moyen et non comme un but n'est pas fréquent. Scop et Scic semblent montrer qu'une entreprise peut assurer sa pérennité économique sans inscrire forcément l'argent comme finalité première. »
Peut-être la bonne manière de répondre aux envies de « monde d'après » et de démontrer que l’on peut entreprendre autrement.
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