Qu’ils soient des proches ou des contractuels, on estime à 8,3 millions le nombre de personnes qui se consacrent à un membre de leur famille ou à des personnes en situation de dépendance. Pourtant, le terme “aidant” est encore relativement peu connu du grand public. Qu’est-ce qu’il recouvre ? Quelles sont les ressources sur lesquelles les aidants, véritables relais de solidarité, peuvent s’appuyer au quotidien ?
Selon l’économiste de la santé Marie-Ève Joël, citée dans un article du magazine Lien Social,
avant les années 1980, l’aidant informel faisait généralement partie du cercle familial et ne faisait pas parler de lui. L’État intervenait en cas de défaillance des proches, dans une logique de subsidiarité.
C’était, typiquement, une femme qui s’occupait de ses parents : “un aidant qui gère les incapacités de ses proches et du reste de sa famille ; un aidant qui travaille beaucoup et dont l’action est peu valorisée ; un aidant assez souvent dépressif.” Progressivement et au fil du vieillissement de la population, les pouvoirs publics se sont rendu compte de l’importance d’appuyer et de protéger ces aidants informels, non rémunérés et souvent épuisés, qui constituent un lien indispensable entre la personne en situation de dépendance et les services de santé. Aujourd’hui, la France compte 8,3 millions d’aidants dont 4,3 millions pour les personnes âgées. 53 % sont des femmes, 57 % sont des conjoints, 17 % sont des membres de la famille. Et depuis 2016, à la faveur de la loi pour l’adaptation de la société au vieillissement (ASV), ces personnes bénéficient d’un vrai statut juridique : celui d’aidant familial, ou aidant naturel. Le terme “désigne les personnes venant en aide à une personne dépendante et/ou handicapée faisant partie de leur entourage proche ou choisies par la personne”, rappelle le site Essentiel Autonomie.
Avec ce statut vient une série de droits : les aidants ont ainsi un droit au répit, qui permet de financer l’accueil de la personne aidée dans un hébergement temporaire, à hauteur de 500€ par an, pour que l’aidant puisse se reposer. Ils ont également accès au congé de solidarité familiale, un congé sans solde de trois mois, renouvelable une fois, lorsque la personne aidée est en fin de vie. L’accès à la retraite est aussi facilité : l’aidant familial peut bénéficier d’un droit à l’affiliation gratuite à l’assurance vieillesse s’il a à charge un adulte devant bénéficier d’une assistance permanente, et il peut bénéficier d’une retraite à taux plein à 65 ans s’il a cessé de travailler pour s’occuper d’un proche. Si l’aidant n’est pas le conjoint ou le concubin de la personne aidée, il peut également être salarié (son salaire est financé par l’APA, l’Allocation personnalisée d’autonomie). Il existe également des avantages fiscaux liés au maintien à domicile de la personne aidée. Enfin, la loi permet aux aidants d’avoir accès à des formations aux soins, dispensées par des professionnels de santé, et à la validation des acquis de l’expérience (VAE).
Pour les associations d’aide aux aidants, cette inscription dans la loi est une première étape, mais elle n’est pas encore suffisante (voir interview avec Anne Jouhet, membre de la Compagnie des aidants). Surtout, nombreux sont les aidants qui ne savent même pas qu’ils le sont et ne sont pas conscients des droits attachés à ce statut. Il y a donc un effort considérable de communication à produire, qui doit être mené par les pouvoirs publics et les professionnels de santé en complément du travail des associations. Elles sont plusieurs sur le créneau de l’aide aux aidants : Compagnie des aidants, Association française des aidants, Maisons des aidants, etc. Leur objectif, c’est d’appuyer ces personnes pour qu’elles puissent en retour aider au mieux les proches dont elles s’occupent.
En tant qu’époux ou enfant, l’aidant pense que c’est son devoir d’assumer tout et tout seul. C’est faux ! Il a toujours besoin d’informations, d’aide psychologique ou encore de rencontrer du monde,
affirme au Monde Nathalie Quaeybeur, directrice des Maisons des aidants de la métropole Lille-Roubaix-Tourcoing.
Si le proche s’épuise et s’étiole, c’est la santé de ce dernier qui est en danger. C’est par conséquent le maintien à domicile de la personne ¬dépendante qui est remis en cause. D’où l’intérêt de se préoccuper du soutien à l’aidant,
explique pour sa part Claudie Kulak, fondatrice de la Compagnie des aidants. Ce soutien passe d’abord par informer les aidants sur les droits auxquels ils peuvent prétendre, mais aussi leur permettre d’échanger avec des personnes dans la même situation qu’eux. Objectif : combattre l’épuisement et l’isolement. Comme le raconte au Monde Philippe de Linares,
dès l’annonce de la maladie de ma femme, j’ai stoppé mon activité de consultant indépendant pour m’occuper d’elle. C’était nécessaire pour coordonner les soins et les aides. Très vite, j’ai éprouvé le besoin de rencontrer des personnes qui vivaient la même épreuve. Le partage d’expériences m’a remonté le moral et m’a aidé à tenir.
Même chose pour Anne Collot, qui s’est rendue à un salon sur la dépendance pour y trouver des adresses d’associations près de chez elle qui l’ont aidée à maintenir à domicile sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle a même pu suivre une formation sur les comportements à adopter face à un proche qui perd la mémoire. Les associations offrent soutien psychologique et matériel, accès à des vacances et loisirs, parfois des relais d’aidants à des prix accessibles.
Se met ainsi en place un réseau de solidarité que les aidants continuent d’entretenir après le décès du proche qu’ils accompagnent. Souvent, ils s’engagent ensuite comme bénévoles pour épauler d’autres dans la même situation qu’eux. La Compagnie des aidants, de son côté, travaille à identifier les aidants qui ont cessé de travailler et qui, après le décès de la personne aidée, peuvent employer les compétences acquises à une reconversion professionnelle dans le secteur de l’aide à la personne. Car être aidant familial, ce n’est pas simplement un service que l’on rend : c’est un vrai travail.
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