Julien Pelletier est le responsable de la priorité “qualité de vie au travail” à l’Anact, l’Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Dans le cadre du contrat qui la lie avec son ministère de tutelle, le ministère du Travail, l’Anact travaille sur trois priorités, ou trois “projets”, dont la qualité de vie au travail. Concrètement, il s’agit de développer des méthodologies pour outiller les partenaires sociaux dans leur évaluation de la qualité de vie au travail. Julien Pelletier nous en dit plus sur la démarche.
Julien Pelletier
responsable priorité "qualité de vie au travail"
U&R
Comment définit-on et mesure-t-on la qualité de vie au travail ?
JP
La qualité de vie au travail dépend de la capacité d’agir et de s’exprimer sur le contenu et l’organisation du travail. Notre mission, c’est d’outiller les groupes de salariés pour qu’ils puissent évaluer l’organisation, puisque c’est cela qui détermine la qualité de vie au travail. Quant aux critères, nous en imposons trois. D’abord, la nouvelle organisation doit être efficace, ce qui n’est pas toujours le cas. Ensuite, elle ne doit pas avoir d’impacts négatifs sur la santé, ce qui implique de développer des sous-critères et indicateurs sur la santé. Enfin, il y a la question du métier : est-ce que cette organisation permet de développer des compétences, ou est-ce que ça déqualifie les salariés ? À l’intérieur de ce cadre, nous n’imposons pas de critères ou d’indicateurs, mais nous donnons une démarche aux salariés pour qu’ils produisent les leurs. Par exemple, si l’on demande aux salariés d’évaluer une nouvelle organisation avec des horaires flexibles et la fusion de deux équipes, c’est eux qui choisiront les critères. Ils pourront décider de se focaliser sur l’équilibre vie professionnelle-vie privée, qu’on appelle la conciliation, ou sur l’absentéisme par exemple.
U&R
Comment aidez-vous concrètement les salariés à faire cette évaluation ?
JP
Nous intervenons à trois moments différents : d’abord, les salariés peuvent s’exprimer et agir sur une nouvelle organisation avant qu’elle ne soit installée, grâce à des techniques de simulation (logiciels 3D, marionnettes, plans, etc.). Cela leur permet de participer à la construction de cette organisation. La deuxième phase, c’est pendant les quelques mois qui suivent la mise en place de la nouvelle organisation ou procédure : les salariés l’expérimentent et l’évaluent en fonction de certains indicateurs. Enfin, la troisième phase survient au bout d’un an ou deux et quand l’organisation a été déployée sur d’autres sites : là encore, on peut évaluer et faire des ajustements. Dans la première phase, il y a donc beaucoup de liberté mais il reste difficile d’imaginer les effets ; un an ou deux après la mise en place, c’est plus facile d’évaluer mais plus compliqué à changer. Le mieux, c’est d’intervenir durant la phase pilote.
U&R
Pourquoi est-ce un sujet important pour l’entreprise ?
JP
Parce que rien n’est meilleur pour la santé que le sentiment d’efficacité. Lorsque quelqu’un fait son travail, qu’on le félicite dans l’entreprise et que le client sourit, il sera moins stressé le soir. Les salariés cherchent toujours à être efficaces dans leur travail ; ils se plaignent de ne pas avoir le temps ou les compétences pour bien faire leur travail, ou si les procédures ne sont pas adaptées. Ce qui les rend malades, c’est l’inefficacité. Et puis, une chose que je dis souvent, c’est que les projets d’aujourd’hui sont la qualité de vie au travail de demain. Il faut faire participer les salariés à la conception des nouvelles organisations du travail, qui changent tout le temps. C’est autre chose que les diagnostics et états de lieux, qui sont tournés vers le passé. On construit plutôt les organisations futures. La qualité de vie au travail, c’est d’abord construire l’avenir.