Le bonheur est-il quantifiable ? Cette question quasi philosophique agite le monde de l’entreprise, de plus en plus soucieux du bien-être au travail. Pour y répondre, pros du management et nouvelles start-ups y vont tous de leur avis.
Ces dernières années, on a vu se développer aux États-Unis d’abord (et dans la Silicon Valley plus précisément) le terme de “Chief happiness officer”, ou “responsable du bonheur en entreprise”. Ce nouveau métier consiste à faire en sorte que les salariés se sentent plus heureux dans leur entreprise, et il est le symptôme d’une préoccupation très contemporaine. Comme le rappelle le site e-marketing.fr, “ces dernières années, plusieurs auteurs se sont attachés à démontrer les bienfaits du bonheur au travail : l'Américain Tony Hsieh, cofondateur de Zappos, auteur de L'entreprise du bonheur (2011), le Danois Alexander Kjerulf avec son ouvrage Happy Hour is 9 to 5 (2014) ou encore Laurence Vanhée à travers son désormais best-seller Happy RH, le bonheur au travail (2013).” Signe de cette tendance : sur LinkedIn, en septembre 2017, on comptait 150 personnes qui en France se revendiquent “Chief happiness officer”.
Mais pourquoi ce soudain engouement pour le bonheur au travail ? D’abord parce que le bien-être est un facteur d’attachement important à son métier, qui permet de réduire le turn-over et améliore la réputation des entreprises. Ensuite parce qu’on est plus motivé, impliqué et efficace quand on va bien. Pour Philippe Laurent, coach et spécialiste de la question en entreprise,
changer de modèle va décupler le potentiel des entreprises. Lorsque les gens sont bien au travail, ils donnent le meilleur d’eux-mêmes
dit-il à Ouest France. La première étape, c’est donc de se doter des outils pour mesurer le bien-être et le bonheur des salariés. Premier avantage pour les entreprises : mesurer le bonheur démontre un engagement auprès des collaborateurs, comme le soulignait dans un rapport de 2013 la Fabrique Spinoza, un think tank qui oeuvre pour le bonheur des citoyens. “Le déclenchement d’une consultation des salariés sur le bien-être au travail envoie un signal fort à ceux-ci : si la direction décide de mesurer le bien-être au travail, c’est qu’elle a l’intention d’agir afin de l’améliorer.”
Reste à savoir quels critères considérer. Dans son “Guide pratique des outils de mesure du bien-être au travail”, la Fabrique Spinoza explore quelques grands types de baromètres parmi lesquels les entreprises peuvent choisir, ou dont elles peuvent s’inspirer pour créer le leur. “Certains outils adoptent un prisme de santé au travail en se centrant sur la prévention des risques et sur la juste prise en compte de l’absentéisme ; d’autres sont de la famille de l’audit social et appréhendent le climat social ainsi que les facteurs de stress socio-organisationnels ; d’autres encore sont enfants de la psychologie positive et se focalisent sur le potentiel de bien-être, de bonheur, d’optimisme, d’engagement ou de performance du collaborateur ; enfin des outils sont le produit d’une analyse empirique de terrain et offrent des méthodes originales d’appréhension du bien-être au travail (via la confiance, la segmentation des leviers, etc.).”
Outre les baromètres répertoriés dans ce “Guide pratique”, de nombreuses start-up se sont depuis lancées sur le créneau de la mesure du bien-être au travail (voir brève). Aux entreprises de choisir l’outil qui leur convient le mieux en fonction de “leur” approche du bonheur et du bien-être.
Face à cette offre pléthorique d’outils, il importe toutefois de se souvenir que le bonheur, ce n’est pas si sorcier que ça. Selon un sondage mené par Vivavoice pour le Nouvel Obs en 2015, le tout premier facteur de satisfaction au travail est la reconnaissance : “les actifs interrogés qui estiment être vraiment reconnus par leurs supérieurs sont heureux pour 94% d’entre eux. Les autres ingrédients plébiscités sont, dans l’ordre : un métier qui passionne et qui n’est pas pénible, de bonnes relations avec les collègues, des conditions matérielles agréables, un sentiment d’être utile, et un contrat non précaire, évidemment”, résume un article de Terra Femina consacré au sondage. C’est donc la reconnaissance qui est le plus souvent corrélée au bonheur, 68% des sondés déclarant qu’ils aimeraient en avoir plus dans leur travail. Un constat que confirme Philippe Laurent :
On peut aimer son travail, apprendre de nouvelles choses chaque jour, s’il n’y a personne pour vous dire ‘merci’, ça va poser problème. Et un ‘vrai merci’ spécifique à la personne, à la tâche accomplie.
Au fond, et ce n’est pas si surprenant que ça, le bonheur au travail ne dépend pas de grand-chose de plus que de relations qui fonctionnent bien. Comme le résume le coach, “le bien-être au travail est constitué de quatre roues motrices : la relation à soi-même, la relation au travail (est-ce que ce que je fais a du sens ?), la relation aux managers et la relation aux autres”.
Une fois ce constat posé, reste à améliorer le taux de bonheur de ses collaborateurs. Cela peut passer par des choses très simples, comme “l’attention (aller voir les salariés, les écouter et sourire) et le respect (dire bonjour par exemple)”, rappelle Philippe Laurent. Mais cela peut aussi se traduire par des changements plus structurels dans l’entreprise. L’organisation des espaces de travail peut ainsi être adaptée pour favoriser les moments de détente et les conversations. Si la table de ping-pong est devenue un cliché de l’approche start-up, permettre à ses collaborateurs de faire des pauses dans la journée est un important facteur de bien-être. Ce qui pousse même certaines entreprises à installer des salles de méditation ou de sieste ! Elles sont également de plus en plus nombreuses à proposer des cours de gym ou de yoga, à offrir des petits déjeuners de temps en temps ou à innover dans des team buildings créatifs. Les méthodes de travail, de plus en plus collaboratives et transversales, sont également un important champ à investir pour s’assurer que tous les salariés se sentent valorisés et que leurs opinions soient prises en compte. Et puis, pour les entreprises les plus motivées, augmenter le bonheur des employés passera peut-être par une refonte complète de l’organisation. Certaines font ainsi le pari d’une entreprise “plate”, “libérée” ou “démocratique”, voire de l’entreprise sans chef, comme CHRONO Flex, où les salariés s’organisent librement, sans contrôles. Le plaisir au travail y est presque devenu une consigne, comme le montre ce reportage de France TV Info, à qui Alexandre Gérard, le PDG, explique :
Il faut tuer un certain nombre de signes de pouvoir dans l'entreprise. Les gens vont se sentir intrinsèquement égaux, et ils auront envie de s'engager.
Résultat : des salariés plus productifs, plus motivés… et certainement plus heureux.
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