Les gens lisent et les grands lecteurs baissent. Ce sont les deux constats réels qu’on peut faire, le reste c’est du ressenti. Sur le numérique, le livre numérique homothétique, c’est-à-dire qui reprend exactement le contenu du livre imprimé, n’a aucun intérêt, sauf en mobilité. En revanche, en termes d’écriture c’est très différent : l’écriture sur des blogs, l’auto-publication, la
fanfiction, cela peut nous amener de nouveaux auteurs. C’est un lieu de formation fabuleux pour les nouveaux auteurs. Ce qui change profondément aussi, c’est la manière dont on vend les livres : on voit la disparition de la presse traditionnelle comme puissance de recommandation, et le plébiscite de la recommandation par les pairs et non plus par les sachants. Le numérique opère donc une révolution copernicienne dans la commercialisation de nos livres. Pour revenir aux livres eux-mêmes, ce qui m’intéresse énormément ce sont les livres enrichis, comme Les Super-héros détestent les artichauts, de Benjamin Lacombe et Sébastien Perez chez Albin Michel, ou L'Homme-Volcan de Mathias Malzieu, il y a quelques années, qui est le premier que j’ai vu qui m’a bluffé. On est sur le chemin de quelque chose de révolutionnaire dans la façon d’appréhender la lecture. Il peut se produire plein d’inventions que le simple fait d’imprimer ne permettait pas. Mais les investissements pour ce type de livres sont très lourds : en plus de l’auteur, il faut un studio d’animation et de jeux vidéo, un réalisateur, un graphiste…
Tant qu’il n’y aura pas de public ces ouvrages seront difficiles à produire, et en même temps il ne peut pas y avoir de public sans offre. C’est un peu le serpent qui se mord la queue.