Nathalie Paillon est chargée de mission à l’ObsAR, l’Observatoire des achats responsables. Elle nous explique comment la problématique des achats responsables est devenue centrale non seulement dans la relation entre les grandes entreprises et leurs fournisseurs, mais aussi dans la politique RSE de ces grands acteurs économiques.
Nathalie Paillon
consultante à l’ObsAR
U&R
Pourquoi l’ObsAR a-t-il été créé ?
NP
Les premières actions ont démarré en 2008, à une époque où les difficultés entre les grandes entreprises et les PME étaient révélées -- c’était notamment l’époque des états généraux de l’industrie. Un certain nombre d’acteurs publics et privés, notamment Pierre Pelouzet, qui était alors à la tête du Conseil National des Acheteurs (CDAF), et Gérard Brunaud, alors chargé interministériel pour les achats responsables, ont identifié le sujet des achats comme étant clé dans cette relation, avec l’idée qu’il fallait mettre en place des pratiques plus responsables entre ces deux catégories d’entreprise. Cela a démarré comme ça, avec un colloque sur la question de l’achat responsable qui a attiré énormément de monde.
U&R
Quelles activités l’ObsAR met-il en place pour soutenir les politiques d’achats responsables ?
NP
Notre rôle est de promouvoir, sensibiliser et communiquer sur les bonnes pratiques. Annuellement, on réalise un baromètre qui permet d’identifier les problématiques et les principaux freins à la mise en œuvre des achats responsables. Dans cette enquête annuelle, on voit que certains freins comme les contraintes budgétaires et les objectifs contradictoires sont en forte diminution. Aujourd’hui, il existe une problématique d’adéquation entre la politique d’achats responsables et l’intérêt business : les organisations ne savent pas toujours comment relier les deux. Et puis il y a un frein opérationnel, avec la mise en place d’indicateurs pertinents, de formations, d’un processus de pilotage. À partir de ces freins, nous développons des groupes de travail dans lesquels nous faisons intervenir nos adhérents et des experts pour partager des bonnes pratiques, qu’on diffuse ensuite. Sur les sujets plus problématiques, on propose des méthodologies spécifiques pour traiter ces points.
U&R
Comment voyez-vous la thématique des achats responsables évoluer ?
NP
Au tout début, elle a été portée par des personnes impliquées personnellement. Ensuite elle a un peu souffert de la crise, jusqu’à 2013-2014. Aujourd’hui, elle est portée par des normes et une forme de pression réglementaire. Les achats responsables sont clairement définis dans la norme ISO 20400 : ce sont des achats pour lesquels on va essayer de maximiser les impacts positifs tout au long du cycle de vie du produit ou service, et bien sûr diminuer les impacts négatifs. Cette approche mène à considérer de nouveaux pans qui viennent de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) : l’environnement et le social, sans oublier le volet économique. Les achats responsables sont donc maintenant ancrés dans les organisations. Le sujet est connu mais il reste à systématiser. Les grandes entreprises sont très avancées : elles ont pris de plein fouet ces réglementations, car les relations fournisseurs sont un pan très important de la RSE. Le sujet est beaucoup moins avancé dans les PME ou dans certains secteurs économiques. Mais globalement, on a atteint un certain niveau de maturité : aujourd'hui, tout le monde sait à peu près ce que ce sont les achats responsables. On voit aussi arriver de nouveaux sujets. La réglementation amène les organisations achats à se pencher sur certains sujets de manière plus méthodologique, notamment la lutte anti-corruption. Et puis, dans la lignée de l’idée de systématiser les achats responsables, il devient indispensable de cartographier ses risques. Ce sont les deux gros sujets des années à venir.